La neutralité de l’écrivain

Dans Quai d'Orsay de Bertrand Tavernier, film qui met en scène le quotidien d'un cabinet ministériel, entre impératifs administratifs et enjeux politiques, on y aperçoit surtout au moins un écrivain jouant le rôle de plume émérite auprès de ce dernier. C'est dire si nombre d'acteurs aiment à s'entourer d'Hommes de culture, d'Hommes d'envergure, et notamment d'écrivains.
L'Histoire récente nous a appris que des auteurs ont appartenu à des mouvements, groupements ou associations qui ont par conséquent érodé la qualité de leur production intellectuelle. Citons Bossuet, Hugo ou Sony. Un chiffre non moins négligeable s'est par ailleurs laissé vaincre par un patriotisme exacerbé, quand un pourcentage très gros pour ne pas être remarqué, a fait exactement l'inverse.
L'on s'interroge : est-il libre, l'auteur qui décide de consacrer sa littérature aux conflits armés, sous le prétexte qu'ils auraient affecté sa vie pendant un temps ? Est-elle impartiale, l'autrice dont l'écriture fait écho à la lutte contre l'excision, la mauvaise gouvernance ou même le célibat des prêtres ? Peut-il seulement revendiquer un pesant de neutralité quand la pensée d'un écrivain obéit clairement à une ligne de conduite peu clivante ? Ecrit-on dans l'absolu lorsque le roman, le poème ou le théâtre aborde les quesions de l'heure ?
La nationalité de l'Homme qui écrit
La nationalité de l'Homme qui écrit peut également devenir un obstacle à sa liberté de dire ou au contraire un accélérateur pour la même cause. Soit parce qu'il s'interdit de jeter des pierres sur l'arbre qui longtemps l'a nourri. Soit parce qu'il la considère comme un adhésif qui le lie puissamment à un socle inviolable. Or, l'Homme qui écrit est censé n'avoir aucun parti pris. Liberté de ton, ouverture d'esprit et sens aiguisé de la nuance devraient caractériser ses ébats.
L'on se demande : s'il vient d'un coin où s'approvisionner en eau potable relève du parcours du combattant, devrait-il être amené à l'exposer à l'ensemble de l'humanité ? Si dans son pys d'origine, de naissance ou de résidence, l'état des routes laisse fortement à désirer, se sentirait-il obligé de taper le stylet sur la table ? S'il est d'une contrée où l'absence d'électricité trie la Cité en zones d'ombre épaisse, porrait-il en parler au commun des mortels ?
Disons qu'il est bien que les écrits d'un auteur ou d'une autrice ne portent aucune couleur, si tant est que pour lui, la notion d'impartialité revêt un caractère proche du sacré. Peut lui chaut que la fonction de scribe moderne ait beaucoup de ressemblances avec la délation, la sensibilisation, la révélation ou l'interpellation. Peut lui chaut que l'acte d'écrire plaise ou déplaise à un éventuel lecteur. Ce qui prime, c'est d'éviter de l'assimiler à un poste d'où l'on implémente une espèce d'insurrection intellectuelle. D'ailleurs, les écrits les innocents sont aussi les plus percutants !
La vraie littérature est généreuse, ouverte, universelle
La Littérature n'a donc pas vocation à stigmatiser. Elle ne relaie non plus les prétentions des uns ou des autres. L'écriture, puisque c'est aussi de cela qu'il s'agit, n'est point un moyen que l'on use pour régler ses comptes avec quiconque, auquel cas elle ne distillerait plus les bonnes choses. Elle n'allaite pas la colère. Et ne sponsorise la rancoeur.
La vraie littérature est généreuse, ouverte, universelle, charriant empathie et liberté; charriant ententes cordiales et solidarités ; charriant tout simplement la paix.
Que l'écrivain neutre figure celui qui échappe aux sollicitations politique, commerciale et religieuse de tout bord. Car « les penseurs, disait Oscar Wilde, ne devraient pas se mêler d'agir ».