Le Cameroun dans l’ère Biya

Africains | Publié le 23 novembre 2018 à 12h45
Le Cameroun se présente comme un train qui peine à quitter la gare. Ainsi commence la clairvoyante analyse de l'écrivain Georges Monny sur les années Paul Biya : un homme dont la longévité politique n'est plus à démontrer.

Le Cameroun dans l’ère Biya se présente comme un train qui peine à quitter la gare, tant il ahane et se traîne par la faute de pesanteurs multiformes. Faudrait-il le rappeler d’emblée, depuis son arrivée au pouvoir, l’homme s’est complu à des déclarations creuses plutôt qu’à une action raisonnée. Dès le lendemain de sa prise de fonctions, il parlait de « rigueur et de moralisation ».

Le petit peuple a ainsi cru bien faire en se jetant à corps perdu dans toutes sortes de motions de soutien, qui au reste ne reposaient sur aucun acquis : à la vérité, tout se passait comme le Président Biya avait reçu en héritage un gros chèque en blanc, dont il pouvait décider l’usage à sa guise.

Les Camerounais ont dû déchanter assez vite. Comme action d’éclat, ils se sont retrouvés parmi les PPTE (Pays Pauvre Très Endetté), au bout d’un parcours chaotique répondant aux diktats du Fonds Monétaire International, classement qui fut au reste fort applaudi par le Gouvernement comme s’il s’agissait là d’un haut fait d’armes.

Pays saigné à blanc

Hélas, il a à peine suffi à enrayer la corruption qui gangrenait le système tout entier, et dont quelques boucs émissaires ont payé le prix fort. Ces ci-devant lampistes n’en étaient pourtant pas, puisque en vrais barons du régime, ils finirent par tomber en disgrâce les uns après les autres, coupables ou innocents, sans doute du fait du Prince. Nonobstant, cette prétendue lutte contre la corruption donna ses fruits, persuadant ainsi le Fonds Monétaire International à rouvrir grandes les vannes des crédits au pays saigné à blanc.

Or, la réalité s’avéra tout autre : les Objectifs du Millénaire du Développement ne furent guère poursuivis, ni au plan de l’Education, de la Santé ou des Infrastructures, pour ne parler que de ceux-là, les équipements scolaires inexistants avoisinant la baisse de niveau des enseignants, les hôpitaux publics laissés à l’abandon et jouissant de l’impunité en raison de refus réitérés de soins aux patients, des routes pour la plupart impraticables faute de maintenance, le secteur informel prenant ses aises dans toute l’économie nationale.

La vulgate du parti dominant

Pourtant, la vulgate du parti dominant n’en démord pas : du « Cameroun des Grandes Réalisations », elle est passée au « Cameroun des Grandes Ambitions » pour entamer aujourd’hui, pour le prochain septennat, celle du « Cameroun des Grandes Opportunités ».

La victoire du Chef de l’Etat à l’issue de la dernière élection présidentielle rappelle à s’y méprendre toutes les séquelles réunies du fameux Syndrome de Stockholm, qui n’a pas pour seul vice d’avoir tué dans ce peuple dévasté la perte de l’estime de soi, celle-là même qui conduit les va-t-en-guerre à crier haro sur le baudet, d’où la crise anglophone et le risque de génocide.

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