Gênes : notre pays a dû attendre des morts pour agir

Africains | Publié le 21 août 2018 à 8h59
Actuellement en Italie, notre consoeur, Angela Arfilli, livre une analyse sur l'effondrement du pont de Morandi à Gênes, qui a fait une quarantaine de victimes et plusieurs blessés.

Mardi 14 août, Gênes, sous un ciel gris frappé par de violents orages, a été le théâtre d’une catastrophe qui a brisé la vie de dizaines de personnes et causé des blessés. Par mesure de sécurité, des centaines d’habitants ont dû être évacués. Avec l’avenir incertain : car plusieurs d’entre eux risquent de perdre leurs maisons. Tout cela parce qu’une portion du viaduc, situé entre les districts de Sampierdarena et de Cornigliano, s’est écroulée.

Connue sous le nom de pont Morandi (ndlr : le nom de l'ingénieur qui l’a construit) ou de Brooklyn pour sa ressemblance avec celui de New York, cette infrastructure autoroutière a été construite entre 1963 et 1967 par la Società italiana per condotte d’Acqua. Avec une structure mixte : béton armé précontraint et béton armé ordinaire. La structure se singularise par un système de haubans en béton précontraint, remplaçant les câbles habituels. C'est l'un des principaux carrefours autoroutiers de Gênes, car il relie l'autoroute A10 au péage de Gênes-Ouest pour arriver au port commercial et aux terminaux de ferry. Il a été inauguré le 4 septembre 1967, en présence du chef de l'Etat d'alors, Giuseppe Saragat, et a fait l'objet au fil des ans de diverses interventions d'entretien.

La dernière a été réalisée début 2017, lorsque le viaduc a été soumis à des tests réflectométriques. Selon une information transmise aux médias, Autostrade per Italia (une filiale d’Altantia qui appartient à la famille Benetton) a indiqué que les travaux de consolidation du viaduc commenceraient après l'été. L'opérateur est responsable de la sécurité et de la maintenance de l'infrastructure conformément à la directive européenne sur la sécurité qui s'applique à l'ensemble du network Ten-T (Trans European Network-Transport) : l'autoroute A10 Gênes-Savona et le pont font partie de ce réseau.

Vérité et justice

Aujourd’hui, les familles des victimes, les Génois, le pays entier demandent vérité et justice. Rapidement. Depuis sa construction, le pont avait été critiqué par des ingénieurs qui doutaient de la durabilité de la structure. En 2016, Antonio Brencich, professeur agrégé en structures de béton à la faculté d’ingénierie de Gênes, avait publié une note sur ingegneri.info à propos des faiblesses de l'infrastructure : « Le viaduc de Morandi avait présenté plusieurs aspects problématiques dès sa construction […] », écrivait-il. « Compte tenu de la durée de vie utile d’une telle structure (au moins 100 ans), le pont fait l’objet d’une maintenance intensive depuis des décennies, avec des coûts continus qui rendent prévisibles dans peu d'années, les coûts d'entretien qui dépasseront les coûts de reconstruction du pont : à ce moment-là, le moment sera venu de démolir le pont et de le reconstruire. » 

Le moment était déjà arrivé, mais encore une fois, notre pays a dû attendre des morts et des blessés pour agir et pour se rendre compte que beaucoup de nos infrastructures sont anciennes et que, dans certains cas, l’entretien des ponts n’est pas suffisant, mais nous devons les reconstruire.

Un changement culturel

Depuis des années, les partisans du projet Gronda di Ponente, la bretelle d’autoroute prévue comme alternative au viaduc affirmaient que le pont Morandi ne pouvait pas supporter la charge à laquelle il était soumis quotidiennement. L'effondrement du pont de Morandi n'est pas un cas isolé. Notre pays risque une défaillance structurelle, si rien n’est fait (...) Nous avons besoin d'un changement culturel accompagné de politiques efficaces prévoyant l'adoption d'un plan national d'entretien et de sécurité de tous les ouvrages existant sur le territoire italien, de manière à ne pas répéter d'autres erreurs humaines.

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