Cardinal Biayenda, cet athlète-martyr de Dieu

Africains | Publié le 6 avril 2018 à 9h00
Cela fait 41 ans qu'était retrouvé, assassiné, le cardinal Emile Biayenda, ancien-archevêque de Brazzaville. Maurice Milandou (prêtre exerçant à Victoria, aux Seychelles) revient sur son parcours et les appels incessants des fidèles pour son éventuelle béatification.

Le 22 mars 1977, un grand homme d’Eglise d’Afrique quitta dramatiquement ce monde pour entrer dans la grande Vie : le cardinal Emile Biayenda, archevêque de Brazzaville, assassiné à l’âge de 50 ans. Très vite, une grande ferveur de fidèles chrétiens du Congo avait été constatée autour de sa figure, juste après sa mort.

En effet, pour solliciter son intercession, des foules convergeaient continuellement vers sa tombe, en la cathédrale Sacré-Cœur de Brazzaville, et sur les lieux de son martyre hors de la ville, sur la colline de Djiri. Près de 22 kilomètres que presque tous les jours des croyants continuent d’enfiler pour y aller prier. Suite donc à cette ferveur restée vivante, des fidèles catholiques de l’archidiocèse de Brazzaville avaient demandé la reconnaissance des vertus, la béatification et la canonisation de ce martyr, éminent serviteur de Dieu. Il est connu presque de tous que, jusqu’à ce jour, la dépouille de l’homme de Dieu est restée intacte, sans corruption, dans sa tombe.

Depuis le 20 mars 1995, le Saint-Siège avait donné son aval pour l’ouverture du procès de béatification et de canonisation. C’est un long processus par lequel l’Église catholique examine avec précaution la vie et l’œuvre de celui appelé à être élevé sur les autels. La reconnaissance publique de sa sainteté.
Dans la foulée de la célébration du 40anniversaire de sa mort, l’an dernier, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Vatican, avait visité l’Eglise du Congo-Brazzaville. Et, à l’occasion, il a déclaré que « Le monde a besoin d’un modèle, le monde a besoin des athlètes de Dieu comme fut le cardinal Emile Biayenda».

Tué sur la colline de Djiri

Ce qui fait la notoriété du cardinal Biayenda, c’est le témoignage de sa vie et l’actualité de ses messages jugés « prophétiques ». A propos de sa vie, la presque totalité de ceux qui l’ont connu témoignent que c’était un homme bon, jovial, charitable et pacifique. C’est d’ailleurs à cause du souci de paix qu’il a librement consenti à sacrifier sa vie pour protéger son peuple et son Eglise. Le Président Marien Ngouabi venait d’être assassiné, et sa vie à lui était aussi menacée. Le pays était au bord d’une guerre civile effroyable. Mais le cardinal, qui avait les possibilités de sauver sa vie, n’avait jamais accepté de quitter la ville et de laisser seule son Eglise. C’est ainsi qu’il avait été enlevé et conduit hors de la ville pour être tué sur la colline de Djiri par des militaires sous un régime politique marxiste, athée. C’était en plein carême.

Déjà, dans sa jeunesse, comme prêtre, il avait connu le martyre de 44 jours de tortures dans une prison de type communiste, en février 1965. Il faut noter que l’Eglise du Congo, de 1963 à 1991, n’a évolué que sous des régimes politiques athées et violents.

 Un homme de paix

En somme, le cardinal Biayenda était un homme de paix, soucieux de l’unité, en qui des hommes et des femmes, de toutes conditions, se retrouvent. Dans un de ses nombreux écrits, il énonce ceci, le 25 novembre 1973 : « L’unité est un besoin urgent pour la vie des hommes, pour la construction de ce monde, elle est un devoir et une mission essentielle du chrétien: être chrétien, c’est devenir artisan de la paix et de l’unité, c’est la mission concrète que le divin Maître a donné à l’Eglise: le Christ est venu rassembler les brebis dispersées par la Tour de Babel ». Il ajoute que « L’unité vraie, c’est l’unité des cœurs, l’unité des esprits… L’essentiel pour l’unité, c’est de reconnaître le bien que les autres sont capables de faire (…). Le chrétien doit être le champion de l’unité parmi les hommes, parce qu’il n’a qu’un commandement, celui d’aimer l’autre… »

Pourquoi donc avoir tué un homme de Dieu aussi pacifique ? L’ancien chef d’état-major de l’époque, Monsieur Sassou Nguesso, témoignait ainsi dans sa vidéo biographique réalisée par le journaliste François Soudan, Le Président Denis Sassou Nguesso, le pouvoir et la vie « Le président Massamba Débat était un politique ; il pouvait avoir des prises de positions politiques. Mais le cardinal Emile Biayenda n’était pas un politique. Il n’avait pas de prises positions politiques ». En d’autres termes, on peut comprendre l’assassinat (sans le tolérer) de l’ancien président du Congo, Massamba Débat, parce qu’il faisait de la politique. Mais le cardinal, lui, était innocent, il n’était pas un politique.

Dans sa lettre de condoléances adressée au Saint-Père, le comité militaire du Parti (Parti au pouvoir représentant l’Etat), annonçait : « Nous perdons en la personne de son Eminence le cardinal Biayenda un grand patriote, un homme qui a toute sa vie durant prêché l’amour, la tolérance, la fraternité, la concorde et l’unité entre tous les fils de notre pays… » On se demande alors, pourquoi donc, et pourquoi, ces assassins inconnus l’ont sacrifié si gratuitement, lui si innocent ? Par haine de la foi ?

 Un filet jeté dans la mer

Qu’à cela ne tienne. « La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. » Le cardinal Biayenda est aujourd’hui comme un filet jeté dans la mer et qui ramène beaucoup de poissons sur notre rivage. « Sur ta parole je jetterai les filets », telle était sa devise. Comme fruit de sa mort, ils sont nombreux aujourd’hui, ceux qui reconnaissent avoir reçu des bénédictions, des guérisons, des grâces ou la conversion par son intercession.

Nous ne pourrons terminer ce propos sans le témoignage d’un autre digne fils éminent d’Afrique, le cardinal Robert Sarah qui nous interpelle ainsi parlant du cardinal Biayenda : « Je pense que si on a un saint, cardinal africain, ce sera pour nous consacrés, un modèle à imiter et à suivre. En tout cas, je prie pour que sa cause soit prise en considération le plus vite possible, et qu’un jour on puisse le vénérer comme bienheureux et ensuite comme un saint… Je pense que le grand miracle qu’on peut lui demander, c’est de nous obtenir une véritable transformation de l’Eglise en Afrique ; une plus grande sanctification des prêtres, des évêques. Il peut nous guérir, non seulement intérieurement mais aussi physiquement ».

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