Législatives en Côte d’Ivoire : les leçons à tirer

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Le 18 décembre dernier, plus de 6 millions d’électeurs ont été appelés aux urnes pour choisir les députés devant constituer le premier parlement de la IIIe République de Côte d’Ivoire. Au total 1337 candidats étaient en lice pour 255 sièges que compte le parlement.
Avec un taux de participation de 34,10%, selon le Président de la Commission électorale indépendante, ces législatives se sont bien déroulées dans l’ensemble, estiment les observateurs, dont l'ex-présidente de la transition centrafricaine Catherine Samba-Panza, en mission d’observation pour l’Union africaine (UA).
A l'issue de ce scrutin, il ressort une forte majorité pour la coalition au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), avec 167 sièges. Avec 75 sièges, l'on note une percée des indépendants, transfuges pour la plupart de la coalition au pouvoir qui les avaient investis. L'Union pour la Démocratie et la Paix (UDPCI) remporte, quant à lui, 6 sièges, soit 2,36% des sièges à l'Hémicycle. Le Front Populaire Ivoirien (FPI), tendance Pascal Affi N'Guessan obtient 3 sièges soit 1,18%, idem pour l'Union pour la Paix en Côte d'Ivoire (UPCI) de Gnamien Konan avec 3 sièges également.
Pour l'heure, ce sont 254 sièges (225 hommes et 29 femmes) qui ont été pourvus sur un total de 255.
Les indépendants marquent un grand coup
La surprise de ces législatives est bien venue des indépendants. 9 au cours de la précédente législature (2011-2016), ils sont bien 75 désormais. Même si, ces indépendants pour la plupart sont issus des rangs du RHDP, tout présage de leur retour « à la maison », du moins pour certains.
Déjà en novembre 2016, des jeunes du PDCI, le parti allié, critiquaient la répartition des sièges pour les candidatures Rhdp aux législatives. « Une fois de plus notre allié s’en tire avec tous les sièges des régions nord, au grand dam des cadres Pdci-Rda de ces zones. C’est à croire que le Rhdp est possible partout en Côte d’Ivoire sauf au nord, prétendu bastion de nos alliés. », ont-ils dénoncé.
Selon eux, la répartition des sièges aurait été mal inspirée, et consacrerait la régression du Pdci-rda dans ses bastions, « La base militante du Pdci est plus que jamais dans le désarroi devant ces choix injustes et contestables ». Par ailleurs, avec l’éviction de Mabri Toikeusse de l’UDPCI et de Gnamien Konan du l’UPCI et la fronde au sein des deux autres partis (PDCI-RDR) membres de la coalition, une certaine fébrilité règne au sein de celle-ci et semble menacer sa survie. Face à cet état de fait, le RHDP joue gros et devrait mettre tout en œuvre pour récupérer les « brebis égarées », afin d’éviter un effet domino et assurer la survie d’un attelage politique de plus en plus contesté.
Une classe politique en pleine mutation ?
Au-delà de la fronde constatée, un nouvel élan dans le climat politique de la Côte d’Ivoire serait-il en train de naître ? Faut-il le croire. Depuis quelques années, l’on a assisté à l’émergence de nouveaux politiciens, « francs-tireurs » qui suivent leur conviction, plus que les mots d’ordre de leur obédience politique.
Avec les dernières législatives, la réalité est plus qu’apparente. De plus en plus, les membres des partis s’affirment, piétinant la « discipline de parti ». A l’image de Kouadio Konan Bertin dit KKB et de Yasmina Ouegnin au PDCI, qui ont bravé les faucons de leur parti, en votant non à la constitution et l’affront suprême, en se présentant en indépendants aux législatives. Il en est de même pour les ex-ministres, Mabri Toikeusse des affaires étrangères et Gnamien Konan des logements et de l’habitat, qui ont sacrifié leurs postes ministériels et leur statut au sein de la coalition au pouvoir, pour des sièges au parlement.
Autant de volte-face qui suscitent le sentiment que la politique à l’ivoirienne est à un tournant et que l’émergence d’une nouvelle classe politique moins sujette aux inféodations et « au suivisme moutonnier » est en train de voir le jour.
Pourtant, malgré une bonne frange d’indépendants au parlement constituant un groupe parlementaire possible, les 167 sièges de députés pro-Alassane Ouattara pourrait aisément lui garantir un dernier mandat tranquille, tout en atténuant les effets d’un Hémicycle monocolore.
Le cas Yasmina ou la gifle de la benjamine
Ironique, dirait-on. Du haut de ses 37 ans, elle a bravé la décision de son parti, puis a remporté les législatives dans sa circonscription de Cocody après un rush avec le candidat du RHDP, la ministre Affoussiata Bamba.
Yasmina Ouégnin, tête de la liste « Ensemble pour Cocody », est élue pour son second mandat à Cocody avec 56,86% des suffrages exprimés, soit 17 932 voix sur 31 536 votes. Elle a battu son adversaire, Affoussiata Bamba-Lamine qui elle, a obtenu 10 100 voix, soit 32,03% des suffrages exprimés.
Au sein de la coalition, on ne n’apprécie pas du tout sa liberté de ton, depuis qu’elle a dit non à la nouvelle constitution contre la volonté de son parti, le PDCI, dirigé par Henri Konan Bédié, justifiant son éviction du parti, en plus de 48 autres personnes insoumises et indisciplinées.
Mais celle-ci peut compter avec ses électeurs dans sa circonscription et dans bien d’autres zones du fait de son refus de cautionner la nouvelle constitution, du nouveau visage de politicienne affranchie qu’elle présente, mais aussi de l’aura de son géniteur Georges Ouégnin, fidèle serviteur du Père de la Nation.
De là, à lui prédire un grand avenir politique ?