Appanah, Zamir : les coups de cœur de la rentrée littéraire

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Mon premier véritable coup de coeur est le dernier roman de Natacha Appanah, Tropique de la violence, édité chez Gallimard. L’auteure, originaire de l’île Maurice, nous entraîne sur une autre île de l’océan indien, Mayotte, petit bout lointain de la France, où elle a vécu quelques années. A travers les témoignages alternés de cinq personnages se déroule sous les yeux stupéfaits et atterrés du lecteur un sombre fait divers dont l’intrigue est progressivement divulguée. La fiction racontée sert à éclairer la triste réalité des comoriens voisins qui tentent de rejoindre à bord des kwassas-kwassas - embarcations de fortunes - Mayotte.
Rattrapés par la maréchaussée française et reconduits aux Comores, ils abandonnent à Mayotte leurs enfants pour leur laisser une chance de vie meilleure… c’est à partir de cette réalité que la tragédie écrite par Natacha Appanah rattrape les personnages dans une spirale de violence où le mot fatalité prend toute son importance.
On ne sort pas indemne d’une telle lecture, servie par une magnifique écriture sans concession ni jugement, mais avec toute l’incision nécessaire.
C’est un jeune auteur comorien, Ali Zamir, et son premier roman Anguille sous roche édité chez Le Tripode, qui m’a enthousiasmée. Le lien avec Tropique de la violence est géographique - Anjouan, une des îles comoriennes -, et il est aussi question de kwouassa-kwouassa, puisque la jeune fille qui nous raconte le déroulé de sa vie est en train de se noyer, victime de la nécessité de quitter son île d’origine.
Dans un récit flamboyant, étourdissant, la vie quotidienne d’une jeune fille qui nous raconte ses secrets et ses amours se déploie avec l’urgence due à la situation, elle se noie. L’originalité du texte est plus dans la forme que dans le fond, puisque l’auteur a pris le parti de nous livrer d’un souffle, en une seule phrase, l’ensemble de l’histoire.
Cette déconstruction de la langue ne nuit pas à l’intensité du récit et à la beauté des images, si cruelles soient-elles parfois, perturbantes souvent.